Histoire et fiction

Le roman Ségou, très documenté sur le plan historique, est écrit sur le mode romanesque.
De même, Moi, Tituba sorcière… noire de Salem, s’inspire d’un fait réel marquant de l’histoire coloniale de l’Amérique du Nord, qui s’étale sur une année, de 1692 à 1693.


Suite à ce qui s’apparente à une «folie» collective, nourrie d’extrêmisme religieux et de multiples délations plus ou moins opportunistes, une centaine de personnes seront arrêtées, quatorze femmes et six hommes seront exécutés. Les procès sont menés en dépit de toute équité et recherche de la vérité. Il faut signaler que 85% des accusés étaient des femmes, réputées «enfants du démon». Seuls celles et ceux qui plaident coupables ou dénoncent d’autres suspect.e.s évitent la peine capitale. Ces faits se déroulent au sein d’une communauté puritaine de colons britanniques, isolée parmi des populations amérindiennes autochtones, dont elle est en train de s’approprier le territoire. Les relations sont conflictuelles, propices à la violence et la paranoïa.

Cet événement donnera lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques (films ou séries, dramaturgiques ou romanesques, dont celle de la romancière anglaise Elisabeth Gaskell, parue en 1861, Loïs the witch). Son roman aborde le même fait historique, et dénonce la cruauté d’une famille envers une jeune fille pauvre, orpheline. Malgré l’innocence de son âge, Loïs attire jalousie, désir pervers et hostilité. Elle meurt exécutée, rendue coupable, d’une certaine façon, d’une méchanceté qui lui est étrangère mais dont elle est le révélateur.

La vérité historique, la description des faits, le travail documentaire se projettent à travers «l’imaginaire de l’écrivain en tant qu’appareil enregistreur du réel ou de la réalité», explique Jean-Georges Chali («Maryse Condé : histoire et fiction. Le cas de Tituba la sorcière de Salem», communication publiée dans Sans fards, mélanges en l’honneur de Maryse Condé, sous la direction de Laura Cassin, 2018).

Dans son roman autobiographique, La vie sans fards, Maryse Condé déclare : «J’ai toujours éprouvé de la passion pour la vérité». La liberté, ou la créativité, s’expriment dans les commentaires, dans la forme littéraire, la langue. Quelle que soit l’histoire, intime ou avec un grand H, Maryse Condé s’oblige à un travail de fidélité aux faits avec un courage qui ne lui vaut pas que des amitiés.