HORS-CHAMP ou la restitution des images est un projet franco-béninois ambitieux porté par les sœurs Chevalme, réalisé avec le soutien du dispositif IF Export – 2025 de l’Institut Français.
Cette résidence–workshop, organisée à La Grande Place de Porto-Novo, explore les archives photographiques du Dahomey et propose une réinterprétation décoloniale, textile et collective de ces images, longtemps figées dans le récit colonial.
Pendant trois semaines, artistes français et béninois ont transformé ces archives en un espace de création vivante, où passé et présent se croisent pour produire de nouvelles narrations.
Un projet artistique pour « restituer » les images du Dahomey
Initiées par les artistes françaises Delphine et Elodie Chevalme, les recherches de HORS-CHAMP s’appuient sur des photographies du Dahomey conservées :
Ces images, longtemps figées dans une narration coloniale, sont réinterprétées à travers :
- le cyanotype sur toile de coton,
- la broderie,
- l’appliqué,
- et d’autres pratiques textiles artisanales béninoises.
L’objectif : réactiver les mémoires invisibilisées et offrir de nouvelles lectures, sensibles et ancrées dans les voix contemporaines de Porto-Novo, Abomey, Cotonou et Saint-Denis.
Les archives : un passé en devenir
Le projet s’inscrit dans une réflexion profonde sur la notion même d’archive :
- Qui les produit ?
- Qui les conserve ?
- Qui en écrit les récits ?
Depuis les années 1970, les archives ne sont plus perçues comme une simple conservation neutre. Elles sont devenues un outil de justice sociale, de réparation et de réappropriation.
Dans l’approche postmoderne, elles sont la fabrique d’un passé toujours en devenir, un espace de rencontre entre une image et un utilisateur.
En écho aux travaux de l’historienne Anne Klein, les sœurs Chevalme créent ainsi : « un espace iconographique où passé et présent s’entremêlent pour produire des récits plus représentatifs des sociétés ».
Une démarche pleinement décoloniale, qui redonne sens, voix et présence aux archives photographiques.
Le workshop à La Grande Place : 12 pièces textiles créées
Pendant trois semaines de résidence, artistes français et béninois ont collaboré pour réaliser douze pièces textiles inédites.
Chaque œuvre associe :
- une ou plusieurs archives imprimées au recto ou verso,
- des éléments textiles traditionnels,
- un travail d’interprétation artistique propre à chaque participant.
Les légendes originales des photographies sont conservées — mais lorsqu’elles comportent des termes coloniaux problématiques, ceux-ci sont barrés pour en révéler la charge historique.
Les artistes du workshop
Madeleine ADONNONDE : Styliste et modéliste, fondatrice de la marque Koko Made, spécialisée dans les silhouettes classiques aux épaules carrées.
Philippe HACHEME : Artiste pluridisciplinaire fusionnant vodoun et manga, explorant les spiritualités béninoises dans un langage visuel contemporain.
Charbel MAURILLE : Peintre et dessinateur connu pour son utilisation du stylo bic rouge, abordant les thèmes de la jeunesse béninoise.
Sofiou SIKIROU alias NIKEL : Peintre réaliste originaire d’Atchoukpa, résident de La Grande Place, reconnu pour son travail minutieux et figuratif.
Rafiy OKEFOLAHAN : Artiste international natif de Porto-Novo. S’inspire des cultures africaines et européennes dans une œuvre profondément nomade. Il partage sa vie entre Paris, Cotonou et Porto-Novo.
Lionel PÉDÈ : Héritier du maître Yves Appolinaire Pédè, il poursuit la tradition de la toile appliquée d’Abomey.
Bertille SÉNOU : Artiste dont l’œuvre célèbre la terre, la couleur et la mémoire, inscrivant ses personnages dans une symbolique culturelle chaleureuse.
Qui sont les sœurs Chevalme ?
Installées à Saint-Denis (France), les sœurs Chevalme développent depuis plus de quinze ans une pratique pluridisciplinaire mêlant : dessin, photographie, techniques anciennes de production d’images et archives.
Elles exposent régulièrement en France et à l’international :
- Musée Théodore Monod (Dakar),
- Musée du quai Branly – Jacques Chirac (Paris).
En 2026, elles seront résidentes du programme Villa Albertine à Houston (États-Unis).
Une exposition à visiter jusqu’en février 2026
Avec HORS-CHAMP, les sœurs Chevalme et les artistes béninois réinventent la manière de lire les archives photographiques du Dahomey.
À travers le textile, le cyanotype et la création collective, les images coloniales deviennent des sources de réappropriation, de mémoire partagée et de récits décolonisés.
L’exposition est ouverte à La grande Place (Porto-Novo) du 8 novembre 2025 au 28 février 2026.
